La carrière politique de Georges Clemenceau est longue. Entamée à la fin du Second Empire dans l’opposition républicaine, elle s’achève après la Grande Guerre. Tour à tour enfermé dans le Paris assiégé de 1870, maire de Montmartre au début de la Commune, président du Conseil municipal de la capitale, député de Paris puis du Var, rejeté hors du Parlement lors du scandale de Panama, journaliste de combat, notamment pour la défense inflexible du capitaine Dreyfus, sénateur du Var, dreyfusard, ministre de l’Intérieur, président du Conseil par deux fois, il prend dans l’Histoire la figure d’un homme d’Etat hors de pair. Aimé et admiré par les uns, contesté et haï par d’autres, souvent solitaire, il ne cesse pas, dans la paix comme dans la guerre, de lutter pour la République dont il rêve. Toujours en mouvement, il met sans relâche (et parfois sans nuances) la rébellion contre les injustices au-dessus de la compromission.
Débuts dans la vie politique
Le 18 janvier 1871, le roi de Prusse Guillaume 1er est proclamé empereur allemand à Versailles. L’armistice avec l’envahisseur est signé le 26 janvier. Georges Clemenceau, maire de Montmartre et député de Paris, refuse d’approuver l’amputation du territoire national, dépouillé de l’Alsace et de la Moselle. Il démissionne de l’Assemblée nationale. En mars 1871, il salue la révolte patriotique des Parisiens, sans se rallier à la Commune. En 1876, il est élu à nouveau député, dans le XVIIIe arrondissement. Peu après le succès des républicains, en 1877, il se sépare de Gambetta et des hommes de gouvernement, qu’il juge trop timorés dans leur volonté de réforme. Il fait campagne, aux côtés de Victor Hugo, pour l’amnistie des communards. Réélu député en 1881 sur un programme de radicalité, il devient le chef de l’opposition d’extrême gauche et mène la bataille pour une République inflexible et solidaire. A la Chambre, hostile à la colonisation, il fait tomber, sous l’effet de son ardente éloquence, les ministères successifs, dont celui de Jules Ferry, son principal adversaire.
L’affaire de Panama
En 1893, à la veille des élections législatives, Clemenceau est la cible d’une violente campagne, à la tribune et dans la presse. On lui fait grief d’avoir entretenu une relation étroite avec Cornélius Herz, un escroc impliqué dans le scandale de Panama qui a contribué à financer son journal, La Justice. Clemenceau prononce à Salernes, dans sa circonscription du Var, un discours célèbre où il rejette les attaques en évoquant l’ensemble de sa vie publique et sa probité personnelle : « Où sont les millions ? ... » Battu, il ne possède plus, pendant treize ans, de mandat électoral. Il se consacre au journalisme, dont il vit. Appauvri, il vend ses collections aux enchères et il s’installe dans l’appartement modeste de la rue Franklin.
L’Affaire Dreyfus
Clemenceau joue un rôle central, à partir de 1897, dans la réhabilitation du capitaine Dreyfus, qui a été condamné iniquement par un tribunal militaire pour un espionnage imaginaire. Au côté de Jean Jaurès et d’autres écrivains et intellectuels, il mène un combat acharné afin de faire révoquer le jugement. En janvier 1898, à l’Aurore, il donne le titre fameux de « J’accuse » à la diatribe décisive d’Emile Zola contre l’Etat-major. Il ne publie pas moins de 665 articles dans divers journaux, jusqu’à la victoire de la vérité et de la justice.
Clemenceau, ministre de l’Intérieur (14 mars 1906 – 20 juillet 1909) - Président du Conseil (25 octobre 1906 – 20 juillet 1909)
Le 13 mars 1906, Clemenceau, redevenu parlementaire, sénateur du Var, en 1902, est ministre pour la première fois, à soixante-cinq ans, et il prend le portefeuille de l’Intérieur qu’il conserve lorsqu’il devient président du Conseil, quelques mois plus tard.
Il fait voter des lois sociales importantes, sur les retraites ouvrières, sur la journée de 10 heures, sur les syndicats, il crée le premier ministère du Travail et il modère les formes de l’inventaire des biens d’église consécutif à la Séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905. Par ailleurs, il évite de se laisser entraîner dans la colonisation du Maroc et favorise en Asie une diplomatie de rapprochement avec le Japon.
Pour moderniser la police, il nomme Célestin Hennion directeur de la Sureté Générale. Celui-ci crée les « brigades du Tigre », des unités régionales spécialisées dans la lutte contre le crime, développe les moyens d’identité judiciaire, dote les policiers de leurs premières automobiles et d’une arme de poing plus efficace. Clemenceau fait face à des grèves, dans le Nord à la suite de la catastrophe minière de Courrières et dans le Midi viticole.
Soucieux de juguler la violence dans la rue, il se résout, après avoir tenté de parlementer avec les grévistes, à envoyer la troupe, à plusieurs reprises. Il s’aliène ainsi la gauche socialiste conduite par Jean Jaurès. Leurs duels oratoires à la Chambre sont fameux.
Le Père la Victoire
Dans les premières années de la Grande guerre, Clemenceau intervient activement comme président des commissions des Affaires étrangères et de l’Armée du Sénat. Ses critiques des dirigeants civils et militaires bravent la censure : son journal, L’Homme libre, suspendu en septembre 1914, reparaît sous le titre L’Homme enchaîné.
En novembre 1917, Raymond Poincaré, président de la République, l’appelle enfin, en pleine angoisse nationale, à former le gouvernement. Président du Conseil, Clemenceau est aussi ministre de la Guerre jusqu’à son départ, au début de 1920. Sa volonté est inflexible, son autorité indiscutée. Il impose l’union des armées alliées sous le commandement unique de Foch. Il annonce l’armistice à la tribune de la Chambre, le 11 novembre 1918.
Il est, du côté français, le principal artisan du Traité de Versailles négocié avec le premier ministre britannique Lloyd George et le président américain Woodrow Wilson. Il évoquera cette période dans Grandeurs et misères d’une Victoire, livre posthume.